2011 Mars- professeur Chrétien dans l'enseignement laïc

Professeur chrétien dans l’enseignement laïc.

 

            Parcours professionnel :

 

Professeur d’Histoire depuis 30 ans j’ai une expérience assez variée de l’enseignement puisque j’ai successivement été nommée dans un lycée d’enseignement commercial et social (anciennes séries F8 et G 1 G2…) puis dans un lycée  d’enseignement industriel  (série E) et dans un lycée classique. J’ai ensuite été nommée dans un collège en difficulté puis depuis 15 ans je suis professeur à Etampes dans un collège qui se situe, par son profil et ses résultats, dans la moyenne nationale de ce type d’établissement .

J’ai aussi une expérience de l’enseignement supérieur ayant travaillé, parallèlement à mes cours, à la faculté catholique de Paris où j’ai assuré pendant de nombreuses années une formation à la préparation au concours de Sciences politiques puis au concours de l’agrégation d’histoire pour les collègues de l’enseignement privé.

 

J’ai accompli toute ma carrière dans l’enseignement secondaire dans des établissements publics. Néanmoins dans les premières années de ma profession , j’ai été amenée pour des raisons pratiques à envisager d’enseigner dans un établissement privé mais le rectorat ne m’en a pas donné l’autorisation .

Le supérieur de l’établissement que je souhaitais rejoindre, déçu comme moi par ce refus m’a alors dit qu’après tout, cette décision était peut être un bienfait car il lui semblait que je serais peut être plus utile dans le milieu laïc.

Cette remarque s’est accompagnée d’une réflexion d’une autre personne , me disant qu’il constatait que l’on ne reconnaissait pas les chrétiens par une façon différente de se comporter dans leur métier.

Ces deux remarques m’ont conduite à mener une réflexion sur la capacité à apparaître chrétien dans ses actes auprès d’élèves qui devaient, par respect de la laïcité, ignorer mes convictions.

 

L’échec de la « lisibilité » :

  

           Lorsqu’un chrétien a pour tâche de s’occuper d’êtres humains  la question de  l’amour des autres s’impose, cependant nous savons tous que s’il est assez facile d’aimer, il est très difficile de savoir aimer et particulièrement lorsqu’un rapport d’autorité existe.  Il faut du temps à un jeune professeur pour trouver le bon registre de cet amour car il ne s’agit surtout pas de distinguer et de privilégier

           quelques élèves.  Au fil du temps on découvre un amour dans le Christ mais ce type d’amour n’est pas perceptible par les adolescents. Les élèves peuvent sentir que le professeur s’intéresse à eux mais ils ne peuvent distinguer ce qui sépare le professeur chrétien du professeur qui s’implique dans son métier.

 

           Une autre caractéristique du chrétien sera aussi le pardon mais à nouveau la fonction d’enseignant ne rend pas les choses simples car s’il faut parvenir à pardonner , il faut aussi parfois cacher ce pardon afin d’accomplir notre mission éducative.

             Ces questions , que je résume ici brièvement ont occupé mes 10 premières années d’enseignement et ont abouti à la certitude que la remarque qui m’avait été faite était exacte : dans son métier un chrétien ne se reconnaît pas à ses actes.

 

             Qu’importe la lisibilité. !

 

            Face à constat , j’ai alors décidé de vivre le plus possible en chrétienne sans plus me préoccuper d’avoir une conduite apparemment différente de celles des autres collègues.

            Et c’est au moment où je renonçais à avoir une quelconque spécificité en tant que chrétienne que j’ai été nommée en collège. Je me suis retrouvée face à des programmes où l’histoire des religions tenait une place importante .

             A la fin de mes cours portant aussi bien sur les religions antiques, le Judaïsme, le Christianisme ou l’Islam j’ai eu la joie de constater que les élèves venaient me trouver à la fin du cours et me posaient une foule de questions . C’est ainsi que j’ai compris qu’étant une des très rares personnes capables de comprendre la foi, je savais en faire part à mes élèves et ce discours ,bien que très respectueux de la laïcité, avait le mérite de leur permettre d’exprimer leurs interrogations.. On n’imagine bien que je veille scrupuleusement à ne pas influencer les élèves.

            Depuis cette découverte j’ai décidé malgré les sollicitations de ma hiérarchie de continuer à exercer en collège.

 

            Sans plus me soucier des apparences  j’ai surtout porté mes efforts en tant que chrétienne dans 2 axes . Tout d’abord je m’efforce et je développe toute une stratégie afin de respecter la dignité d’ un élève en difficulté. En effet, si dans le système de l’éducation nationale toute une série de mesures est prise pour faire disparaître les sanctions, en revanche, rien n’empêchera une personne en situation de pouvoir , aussi modeste soit-il , d’ humilier un personne plus faible.

            Il faut beaucoup réfléchir pour ménager la susceptibilité des élèves en échec et cela passe par de petits gestes comme la façon de distribuer les copies, la façon de rectifier une réponse  incongrue…..

 

           L’autre axe de ma démarche vise à développer des propos optimistes. Je suis en effet frappée de voir à quel point le discours des adultes est pessimiste. Les grands parents évoquent souvent la détérioration des conditions de vie  par rapport à leur propre jeunesse.

            Les parents  soucieux d’obliger les enfants à travailler leur explique à quel point la lutte pour l’emploi est féroce. Certains montrent aussi que les jeunes vivent actuellement leurs plus belles années et qu’ensuite la vie ne sera qu’une longue suite d’ennuis.

            Je pense qu’il faut vraiment tenir d’autres propos même pour les           

amener à travailler .Il vaut mieux dire que le monde les attend pour devenir plus beau , plus juste et qu’être adulte est une aventure magnifique.

 

 

            Quel bilan ?

 

Pour ma part je ne pense pas qu’un professeur chrétien soit en quoique se soit 

mieux qu’un autre professeur . En revanche la foi permet de donner de la force pour exercer sa profession .

Lorsque je me heurte à une situation totalement bloquée avec un groupe  ou un

élève j’ai pris l’habitude de me reposer sur l’Esprit Saint et j’ai en général la

surprise de constater que « ça fonctionne » Dès que je parviens à me confier entièrement à lui et à pratiquer ce que les taoïstes appellent le « non agir » les choses bougent et s’améliorent.

La prière est aussi une très grande aide. Face à un élève en très grand danger ou plongé dans des difficultés effrayantes, ce recours est précieux.

Je suis persuadée que la fragilité psychologique des professeurs a un rapport avec leur manque de foi. En revanche cette foi peut être la nôtre ou toute école de pensée comme la Franc maçonnerie ou les écoles philosophiques.

 

En préparant cette conférence j’ai été amenée à faire un retour sur moi même et à me demander si je ne regrettais pas le poste dans l’établissement privé prestigieux qui m’a été refusé en début de carrière.

Pour être honnête lorsque je pense à ma « carrière », il est évident que ce poste me permettait de m’occuper des classes préparatoires et aurait été plus stimulant sur le plan intellectuel. Le métier aurait aussi été plus reposant sur le plan de la discipline car on sait que le travail en collège est sur ce point parfois très pénible.

Il aurait été aussi enthousiasmant de faire partie d’un projet qui consiste à former une élite chrétienne.

 

Néanmoins je connais aussi de grandes joies dans mon travail actuel. Je sais que j’ai encore de très nombreuses qualités à acquérir et des  qualités que je n’aurais pas eu à développer dans l’autre voie qui correspondait plus à ma voie naturelle.

Enfin ,je suis fière de participer à un projet qui accepte tous les enfants.

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