2010 juin- Relations avec l'Islam

 

Témoignage d’un chrétien oriental

pour apporter une lecture de la convivialité islamo-chrétienne en France,

à la lumière de son expérience de vie libanaise.


 

 

Histoire de la convivialité au Liban et rôles des chrétiens libanais en particulier les maronites, église à laquelle notre intervenant appartient.

L’événement en première mondiale au Liban : la Fête rassemblement islamo-chrétien autour de Marie (fête de l’annonciation).

Le contexte en France.

La convivialité n’est pas un concept abstrait (les conditions)

Les solutions possibles pour construire cette convivialité. Se retrouver autour du caritatif de l’éducation et d’évènements communs.

 

***

 

1-Histoire de la convivialité au Liban.

 

 La langue arabe a été inventée au début du VIéme siécle dans la région de Al-Hira par des chrétiens. Les premiers arabes sont chrétiens, on ne peut donc pas dire qu’arabe soit synonyme de musulman.

 

 L’Islam dans sa création par Mahomet n’est pas une religion de violence. 

 

Ce sont  certains hommes qui ont adapté la religion à leurs ambitions. Au Liban même si le dogme de chaque religion est respecté des musulmans peuvent entrer dans une église et inversement.

Vers le 10é siécle les maronites introduisent dans leur liturgie l’arabe pour accueillir les musulmans dans une réelle convivialité.

 

Les chrétiens en orient sont des artisans de convivialité par nature, l’hospitalité fait partie de l’essence du catholicisme.

 

Comment définir l’Islam ?

Le mot islam revêt un double sens.

Le premier définit une relation avec Dieu : l’Islam se traduit par une démarche consciente par laquelle l’individu se donne entièrement à Dieu.

La seconde relation est une relation avec les être vivants : L’Islam est une paix qui appelle à la stabilisation et à la normalisation des relations de l’homme avec son environnement.

 

Il a été constaté que dans l’histoire les trois religions monothéistes ont mis en place trois divisions.

La division des Juifs entre le peuple élu et ceux qui n’en n’étaient pas.

La division des chrétiens entre infidèles et hérétiques.

La division des musulmans entre les croyants,  les gens du livre ou des conscients (à savoir juifs et chrétiens) et les polythéistes.

Ceci dans le cadre du maintien du système de confusion identitaire entre l’adhésion à une communauté religieuse et l’appartenance à une entité socialo-politique.

 

Ce sont des principes généraux qui gouvernent les rapports multi confessionnels à l’intérieur de la cité islamique  qui se retrouvent prescrits dans le Coran même.

C’est une vision théologique ouverte vers les autres ou la miséricorde divine touche les fidèles des deux autres religions Abrahamiques au même titre que les musulmans : 

 

« Certes, ceux qui ont cru, ceux qui ont suivi le judaisme, les Chrétiens et les Sabéens, quiconque d’entre eux a cru en Dieu, au jour dernier et accompli de bonne œuvres, sera récompensé par son Seigneur, il n’éprouvera aucune crainte et il ne sera jamais affligé » (Al Baqarah 61). Cette vision s ‘appuie aussi sur la confirmation coranique considérant les juifs, les chrétiens et les musulmans comme appartenant tous à la tradition abrahamique et qu’il adorent le même Dieu unique : « Nous croyons en ce qu’on a fait descendre vers nous et descendre vers vous, Notre Dieu et votre Dieu est le même, et c’est à lui que nous nous soumettons » (Al Ankabout 46).

 

C’est ensuite une doctrine juridique tolérante et pluraliste dans laquelle la conversion forcée à la religion ne reçoit aucune valeur légale : « Si Ton Seigneur l’avait voulu, tous ceux qui sont sur la terre auraient été croyants, Est-ce à toi de contraindre les gens à devenir croyants » (sourate Jonas, verset 99) «  Nulle contrainte en religion » (sourate Al Baqarah, verset 257). C’est aussi un principe fondamental qui affirme que le pluralisme s’inscrit dans l’ordre naturel des choses, il est voulu par Dieu même : « A tous nous avons donné une règle de conduite et une façon d’agir, si Dieu avait voulu il aurait fait de vous une communauté unique » (sourate almidah verset 48) et « c’est pour cela qu’ils les a créés » (sourate houd 118) afin de se familiariser les uns avec les autres : « nous avons fait de vous des peuples et des tribus afin que vous vous familiarisiez les uns avec les autres. Le meilleur parmi vous est celui le plus pieux » (sourate al ojor verset 13). Entendu ici que « Celui que Dieu aime le plus est celui qui est le plus utile aux hommes » précise le Prophète Mohamed.

 

Telles sont les assises officielle du régime communautaire accordé aux non musulman vivant dans la cité islamique. Dans ce système la notion d’une minorité religieuse ne figure pas en droit musulman. 

 

Les détenteurs des livres révélés, c’est à dire les juifs et les chrétiens, sont obligatoirement tolérés dans la cité islamique au risque d’aller à l’encontre des préceptes coraniques et des engagements du Prophète dans ses traités qu’il a conclue avec eux. C’est donc un multi confessionnalisme d’une essence sociologique et juridique qui ne s’inscrit pas dans une tolérance indéfinissable toujours révocable à merci, mais dans le cadre même du droit muslman.

 

Dans la logique de ce système il n’est pas exigé d’aucun groupe de sacrifier l’homogénéité de l’Etat pour le triomphe de la religion, ni l’abandon des principes religieux pour préserver l’unité de l’Etat. Chaque groupe religieux, chaque communauté doit se comporter d’une manière à assurer une harmonie équilibrée entre ses propres principes religieux et l’Etat. Dans ce contexte, ce qui peut paraître à première vue paradoxale, l’Islam- religion universelle- appelle les chrétiens à respecter leurs principes religieux tels qu’ils sont enseignés dans l’Evangile, s’adresse aux juifs afin d’appliquer les commandements de leur religion tels qu’ils sont décrétés dans la Torah, et exige des musulmans de se plier aux préceptes du Coran. En n’obéissant pas à ces principes, les membres de chacune de ces religions sont considérés comme ignorants et injustes.

 

Deux pactes très importants dans l’Islam.

 

Le pacte de Médine.

Il est considéré comme étant la constitution du premier Etat musulman élaborée sur un mode pluraliste. Il constitue la plus ancienne charte instituant une société muticonfessionnelle marquée par la solidarité, la justice et l’égalité réciproque des droits de tous les citoyens sans aucun privilège dû à l’appartenance religieuse et ethnique.

 

Le traité de Najran.

Le Prophète a signé un traité qui garanti  à tous les chrétiens de cette ville le libre exercice de leurs cultes et une série de droits et de devoirs que les juristes musulmans ont classé sous le terme : contrat de imma. Un exemple dans ce traité « L’atteinte à la personne du Christ et de sa mère par un musulman étant considérée comme une abjuration à la propre foi de l’Islam »

 

La religion est une source de paix.

 

2- Fête Islamo-chrétienne au Liban- fête nationale commune.

 

« Le liban est plus qu’un payx c’est un message de liberté et un exemple de diversité pour l’orient comme pour l’occident » Jean-Paul II

 

Dans les deux religions la personne de Sainte Marie est omni présente. Dans le Coran ni la mère de Mahomet ni sa sœur ne sont citées, Marie y est citée plus de trente fois.

Cet élan de rassemblement autour de ce qui unit à donné la fête islamo-chrétienne au Liban qui n’est pas une fête religieuse. 

 

Un des principaux initiateurs de cette fête Cheikh Mohammad Nokkari a écrit «Notre rencontre, musulmans et chrétiens de  confessions différentes, prouve qu’à part la citoyenneté, nous sommes unis par l’amour d’une personne aimée, élue et pure, d’une mère douce, tendre et affectueuse, dans le respect de notre foi musulmane et chrétienne. »

 

3- Le contexte en France.

 

Il semble qu’en France grand nombre de personnes font l’amalgame entre arabes et musulmans ainsi qu’entre maghrébins et arabes.

 

Bien qu’une seule religion porte le nom d’Islam, il existe au sein de l’Islam plusieurs courants musulmans allant des plus modérés aux plus extrémistes.

 

Ceux qui les entretiennent sont uniquement des paramètres non religieux.

 

Le mot Islam est un mot arabe et qui veut dire abandon total et inconditionnel à Dieu.

 

C’est un terme qui peut s’appliquer à la religion chrétienne tout comme à la religion juive tout comme à n’importe quel être qui cherche à s’abandonner totalement à la volonté du Créateur.

 

Tous les musulmans ont en commun au niveau religieux :

 

Le Coran pour livre

Mouhammad pour prophète 

La Sunnah pour guide pratique

Le bel-agir pour philosophie de vie

Les cinq piliers pour obligation : la profession de foi, la prière, le jeûne, la zakat et le pèlerinage à la Mecque

Allah pour Dieu Unique, Absolu et Transcendant

 

A noter que le mot Allah est utilisé par les chrétiens bien avant l’Islam pour dire Dieu

 

Il faut faire l’expérience d’une réelle convivialité. Le prophète Mahommad pour les musulmans, quand il est entré à Médine, a vu des juifs qui fêtaient Pâques. Il a annoncé aussitôt que les musulmans allaient fêter Pâques.

 

Tolérance extrême :

Dans une mosquée, un vieux monsieur non musulman était en train de se soulager. Les hommes de Mahommet allaient le tuer quand il leur dit de le laisser finir tranquillement et ensuite il alla voir le vieux et lui expliqua en douceur son erreur.

 

La tolérance est prônée par les religions; les hommes n'en font pas souvent l'usage..

 

Les religions sont une aire d'acceptation de l'autre. 

Le mot tolérance, bien que utilisé par beaucoup, n'est pas un mot que j'apprécie. Car il sous-entend la condescendance. Je te tolère car je le veux bien.

 

Alors que tous les êtres humains dans ma foi de chrétien se doivent un amour absolu pour l'autre...

 

Les hommes, laïcs et religieux, peuvent être les auteurs de la non tolérance.

 

Parabole du semeur : Là où se trouve la bonne terre, se trouve l’espérance.

 

Nécessité d’introspection intra-religieuse : Quel est mon rôle en tant que chrétien, en tant que musulman, en tant que juif,  pour honorer ma religion ?

 

Combattons l’ignorance, nous éviterons la guerre fratricide.

 

Mon regard sur l’Islam en France ne peut jeter le voile sur mon regard sur le Christianisme en France.

 

Où sont les chrétiens ? Comment vivent-ils ? Quel est notre degré de foi ?

 

9 Chrétiens sur 10 en France interrogés disent : j’ai la foi, d’autres j’ai une foi mais les 9 disent je suis croyant et pas pratiquant.

 

Pourquoi ? Car ils mélangent une tâche dans l’histoire de l’Eglise (qui depuis a bien évolué) et leur nourriture céleste dans leur communion à Dieu.

 

Comment peut-on ne pas pratiquer et conserver vive sa foi ?

 

Si on veut que le musulman reconnaisse en nous l’Amour de Dieu, il faut rendre crédible en nous la mort et la résurrection du Sauveur. Aucune dichotomie entre la foi et l’action.

 

Le musulman comme tout être humain est curieux et à l’écoute.

 

Il vient dans cet Occident gâché par la sur-consommation, l’argent et le gain rapide, sans valeurs ni préceptes moraux, qui traite l’Islam comme le nouvel axe du Mal.

 

Les gens ne croient plus en Dieu et le sol est fertile pour la propagation de l’Islam mais par les extrémistes à qui profite cette situation.

 

Benoît XVI a bien rappelé à la France son baptême. Pourquoi avait-il besoin de le lui rappeler ? 

 

Mon constat de la Société Française :

Familles éclatées

Absence de convivialité 

Perte de valeurs

Perte du sacré

Activisme des sectes et des mouvements religieux radicaux.

 

Ces mouvements religieux extrémistes exploitent cette situation en proposant dans une stratégie bien structurée des thèmes tels que l’entraide, la liberté, la justice, l’équité .

 

Il faut aussi se méfier des raccourcis; en France, les gens ont plutôt tendance à stigmatiser, à donner un label un peu rapide.

La non connaissance, la méfiance de l'étranger, les préjugés, sont à la base de plusieurs failles.

Dans les deux sens, tant au niveau des français que des immigrés, il n'appartient qu'à chacun de se faire sa propre opinion, basée sur une analyse profonde des choses.

Souvent pour ne pas afficher son ignorance, ses craintes, on sombre dans la facilité de projeter ses émois sur l'autre. 

C'est un cas classique en psychologie.

 

4- La convivialité en réponse. Ce n’est pas un concept abstrait.

 

La définition de la convivialité c’est un ensemble de sentiments favorables et tolérants entre les membres d’une société.

 

Qui dit sentiments dit existence avec et en l'autre. Réciproquement. 

 

C’est tourner son regard vers l’autre, un regard aimable car aimant.

 

Aucun homme n’est mieux que l’autre, nous pouvons devenir meilleurs si individuellement nous le décidons.

 

Il n'y a pas de fatalité dans la vie d'un être humain; tous les jours, il  nous appartient de changer le cours de  notre propre histoire, d'écrire une nouvelle histoire.

 

De par notre modèle libanais de la convivialité, basé sur une réelle volonté unanime de toutes les confessions religieuses du Liban de vivre ensemble, la gouvernance de la cité est gérée par participation constitutionnelle de tous.

Ce vivre ensemble en paix, est une équation réussie au Liban.

Quand cette convivialité est fragilisée dans certains endroits, il faut lire ceci par la clef du niveau de culture des concernés, du contexte social et politique.

 

Ceci nous donne une grande responsabilité à nous libanais dans le monde, de passer cette espérance du vivre ensemble.

A tous les juifs du monde, nous proclamons que le judaïsme est né dans notre Orient.

Il en est de même du christianisme et de l'Islam.

Est-ce que ce modèle libanais est exportable?

Je pense que oui mais à adapter en fonction de chaque pays.

Nous sommes tous des hommes capables du meilleur comme du pire.

 

Le dialogue des religions n'a pas été d'un grand résultat en France et dans le monde, en raison de sa concentration entre les mains d'intellectuels ou de théologiens qui ne représentent qu'une partie très petite de la population, une poignée.

D'autant plus que la nature humaine prend le dessus dans ce sens où chacun inconsciemment cherche à influencer l'autre pour l'emmener à sa propre vérité et lui faire admettre qu'elle est l'unique vérité.

 

En cherchant à dialoguer avec l'autre, à connaître l'autre ( ce qui est très important en soi), on oublie de vivre avec l'autre bien souvent. Simplement, les choses du quotidien.

 

C'est pourquoi vous êtes tous invités à la Journée de la Convivialité que nous organisons en tant qu'association Passeurs d'Espérance, le dimanche 20 juin 2010 au 18, rue Evezard à Etampes, de 8h à 18H.

 

5- Les axes possibles pour rechercher ensemble cette convivialité.

 

Les actions caritatives : Redonner à l’homme ses deux dimensions, religieuse et humaine et le placer au centre de nos relations.

L’éducation (qui éloigne les extrémismes par la connaissance de soi et des autres)

La famille (qui donne à chacun une valeur humaine et non marchande)

Des événements communs (les deuils, les mariages, les baptêmes, les fêtes comme par exemple au liban la fête nationale  commune islamo-chrétienne…).

 

En conclusion :

 

Je pourrais dire que :

Je suis un israélien quand mon cœur aspire à la terre promise où se trouve la Jérusalemn céleste (dans la Bible le Liban, terre de Canaan, a été 77 fois le pays ou coule le lait et le miel).

Israélien à la base se dit en référence à la terre promise de tout homme qui marche dans les pas de Dieu.

Je suis un chrétien quand mon regard se pose sur mon malfaiteur avec l’Amour du Christ.

Je suis un musulman dans le sens où je cherche à m’abandonner totalement à la volonté de Dieu.

Mais ni le Judaïsme, ni le Christianisme, ni l’Islam n’ont de sens si je ne suis, en tant qu’homme, respectueux de l’autre.

 

La question n’est pas de savoir si l’Islam et le Christianisme peuvent cohabiter en France, la question est de savoir si les hommes vont revenir à la religion pour aimer l’autre dans sa différence et grandir ensemble, conscient qu’ils sont inséparables.

 

Osons la rencontre pleine, respectueuse et libre de préjugés. 


Salim MATTA 

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