2010 mai- 2ans en Zambie- O.N.G.

« Quand on a ressenti l’appel en couple, je n’ai jamais douté, il fallait y aller…on attend le prochain appel . »

 

 

Nous sommes Gonzague et Ghislaine Prouvost. Nous avons 3 enfants. Nous avons habité à Etampes de 2005 à 2007. Nous sommes maintenant à Malakoff depuis septembre dernier. Nous sommes partis avec Fidesco, une association de solidarité internationale catholique liée à la Communauté de l’Emmanuel en Zambie du 1er septembre 2007 au 1er août 2009. Nous y avons été envoyés au profit du diocèse de Lusaka, pour diriger et animer un centre au profit des réfugiés urbains, qui viennent principalement de la République Démocratique du Congo (RDC), du Rwanda, du Burundi.

 

 

1)      Comment le désir de partir et la préparation à la mission se sont-ils faits ?

 

Ghislaine : Dieu s’y est pris patiemment avec moi. Des lectures de témoignages de volontaires partis avec Fidesco m’interpellaient depuis longtemps, ils restaient dans un coin de ma mémoire mais Gonzague y était réticent. C’est vrai qu’il y avait le travail, les enfants…

 

Nous avons suivi une session pour les familles à Paray-le-Monial durant l’été 2006 dont le thème était « je te donnerai une espérance, un avenir ». Sur le site se trouve un certain nombre de tentes pour faire connaître différentes associations et organisations telles que Raoul Follereau, la Fondation Jérôme Lejeune, la revue de l’Emmanuel « Il est vivant »… et Fidesco. Le rythme de la session est soutenu. Nous n’avons pas eu le temps d’y jeter un coup d’œil avant la fin. J’ai un peu poussé Gonzague à entrer dans la tente de Fidesco. On y a posé quelques questions, montré notre enthousiasme pour un tel projet et expliqué que du fait de la profession de Gonzague, nous ne pouvions nous-mêmes partir en mission à l’étranger. La salariée de Fidesco qui nous avait présenté les différents projets et le fonctionnement de Fidesco nous parle d’un militaire qui pensait partir et qui s’était assuré que les statuts militaires permettaient un congé sans solde pour convenance personnelle. C’était donc statutairement possible de partir deux ans comme volontaire. Nous sommes sortis de la tente et n’avons parlé ensemble de cette visite que quelques heures plus tard en route vers la destination suivante de nos vacances.

 

Je ne sais plus exactement comment on se l’est dit mais on a compris qu’on était appelé à partir en mission pour le Christ en famille.

 

A la Toussaint, nous avons pris contact avec Fidesco et envoyé notre lettre de candidature. Un premier week-end de présentation nous a été proposé en décembre, durant lequel, l’association nous a été présentée plus en détails, les bonnes et les mauvaises raisons de partir ont été listées, quelques anciens volontaires sont venus témoigner de ce qu’ils ont vécu en mission et de ce que cela a pu changer dans leur quotidien au retour. Nous avons eu aussi des temps de prière et un rendez-vous individuel qui abordait des questions plus personnelles pour permettre de mettre en place les bases d’un discernement autant de notre côté que celui de Fidesco.

 

Nous sommes rentrés chez nous très motivés tout en essayant de nous dire que notre décision n’était pas prise et pas urgente et qu’il fallait nous laisser la possibilité de renoncer. Peut-être que nous avions envie de voir du pays mais que ce n’était finalement pas là que le Seigneur nous attendait… Nous entamons donc une période de discernement telle des fiançailles.

Une session de discernement est organisée à Paray en février avec divers enseignements, de nombreux temps de prière, d’adoration, la messe quotidienne, des échanges avec d’anciens volontaires et les salariés de Fidesco.

 

Nous devons donner notre réponse courant mars. Ce que nous faisons, positivement. En mai, nous avons reçu un appel pour nous annoncer notre affectation à Lusaka en Zambie. Gonzague est ravi. Il rêvait de cette mission qu’il pressentait pleine de défis et de richesses. De mon côté, je suis frustrée car ma mission n’est pas bien définie et j’ai l’impression qu’on n’a pas prêté attention à mon CV et que je suis juste bonne à suivre mon mari. Mais je me suis un peu apaisée et nous avons commencé une préparation plus matérielle de la mission. Nous avons à nouveau eu un week-end en mai et une semaine en août à Paray durant laquelle nous avons été officiellement, chaque volontaire de notre promotion, envoyés en mission aux 4 coins de la Terre.

 

Gonzague : Ghislaine a tout dit, mon manque de disponibilité, sa patience malgré une attirance qu’elle avait depuis longtemps. Ce que je retiens, c’est que tout s’est mis en place en fait de belle manière, chacun à son rythme, mais tout selon un plan providentiel. Pour moi, je note simplement que, malgré ma satisfaction professionnelle, surtout ici à Etampes, les risques en terme de gestion et d’évolution de ma carrière, qui répond aussi à une vocation, une fois l’appel reçu, et une fois ma réponse donnée, j’ai eu le grâce de plus douter d’être dans la bonne optique, même si j’ai pu rencontrer ici ou là, bien que rarement, quelques réactions de surprise. C’est comme une évidence, une paix intérieure et dans le couple.

 

Pour partir en mission, il faut être en paix avec soi-même.

 

2)      Brève présentation de la Zambie

 

La Zambie se trouve au beau milieu de l’Afrique australe. Sans accès à la mer, elle est limitrophe de 8 pays dont certains connaissent des conflits. Elle possède au Nord des mines de cuivre. Le climat est agréable car l’altitude moyenne est de 1000 m. Sa superficie est équivalente à celle de la France pour 12 millions d’habitants. C’est un pays politiquement stable. La langue officielle est l’Anglais, ce qui permet de fédérer les différentes ethnies qui parlent 72 dialectes différents.

 

3)      Notre mission sur place

 

  1. Aspect professionnel

 

Gonzague : directeur du centre prenant la suite d’Amaury de Cherisey.

 

Création JRS (Jésuites) en 1997, Fidesco en 2001, je suis le 4ème directeur, nous sommes le deuxième couple.

 

2008 : JRS se retire de Zambie => Amaury trouve financement auprès du CRS ( association américaine équivalant au secours catholique en France) et convainc l’Evêque de devenir propriétaire => j’arrive à ce moment : mise en place des procédures CRS, ajustements avec évêché sur les rôles de chacun. Bref, en novembre, les choses commencent à prendre forme.

 

Mon budget : 100 000 $ par CRS, ce qui couvre juste les frais généraux (salaires, charges, voiture, impôts…) Donc je dois chercher des fonds, en Zambie et en Europe, dont paroisse Etampes et Ecole Jeanne d’Arc.

 

Je dispose d’un staff d’une dizaine de personnes, qui s’est stabilise début 2008 : 2 volontaires français,  1 comptable, une secrétaire, 1 femme de ménage et un informaticien zambiens, 2 prof de langue et 1 coordinateur social/pastorale réfugies congolais, 1 juriste volontaire US. Mais avec une population assez nombreuse à servir et des activités nouvelles ou habituelles mais ponctuelles, je dois employer des « facilitator » qui dispensent des cours sur la base de contrats courts, de quelques jours à quelques semaines.

 

En tant que directeur, je me suis « éclaté » : une fois les choses en place, j’ai joui d’une indépendance, liberté dans le management, réelle possibilité d’orienter l’action dans la direction que je sentais, toujours quelque chose à apporter tellement les besoins sont importants. Le Peace Center est le seul projet chrétien reconnu à Lusaka et ayant une légitimité dans le domaine du soutien aux refugiés, je suis donc intégré, avec Chris, dans le réseau des institutions traitant de ce problème : le Home affairs, commissionner for refugees, IOM, l’UNHCR, quelques ambassades (France, Danemark, Italie, Vatican). Je participe donc aux réunions de coordination, je présente et défends des cas particuliers, avec prudence

Les activités au centre s’articulent autour de 4 piliers, qui sont bien sûr liés et dont certaines activités appartiennent à plusieurs :

 

  1. Le social : bourses scolaires, théâtre, chorales, fêtes des enfants, micro-credits,
  2. L’enseignement : cours de français, anglais, informatique, et de nombreuses formations pratiques (couture, cuisine, électricité, peanut butter, peinture, teinture, installation de parabole, réparation de tph, ordi, radio, TV, soudure…)
  3. La défense et le conseil juridique : entretien avec les refugies, orientation vers services compétents, liens avec réseau institutions, programme radio sur radio diocèse, veille presse, communication dans la presse, liens autres églises et mvts catho
  4. La pastorale : chorales, messe, prières, grandes célébrations, liens avec la paroisse, le diocèse.

 

En fait, un métier très varié. Voici 3 exemples qui m’ont marqué, parmi tant d’autres.

 

  1. Le décalage permanent de la mission entre les représentations (les ambassades…) et le travail concret auprès des réfugiés => cela m’a interrogé, jusqu'à ce que j’accepte que mon rôle était des deux côtés, et que même en costard à l’alliance française ou à la nonciature, je continuais de servir le Christ et mes frères réfugiés et zambiens de Kanyama.
  2. L’activité peinture financée par la paroisse d’Etampes a réuni toutes les activités du centre, autour finalement de l’annonce du Christ par Marie : levée de fonds, organisation d’une formation pratique (peinture), d’une activité pour les enfants, de pastorale => de ce qui fut un problème (effondrement de la hutte a cause des pluies), le Seigneur nous a fait faire une œuvre toute simple d’évangélisation.
  3. Le fait qu’on ne mesure pas ce que nous faisons. Ex du 14 juillet : pour moi, normal, mais pour eux, ce fut une immense fierté de pouvoir chanter. Ils étaient reconnus, grâce à la France, par la Zambie.

 

Guislaine : Je n’avais donc pas de mission bien définie et était prête à œuvrer là où le besoin se faisait sentir. Un projet de bourses scolaires était en suspens faute de prise de décision. Les parents sont très conscients de la nécessité pour leurs enfants d’aller à l’école mais les frais, même dans le public sont souvent un obstacle. Ils cherchent donc des bourses et aides diverses. Le budget du PC prévoyait une petite enveloppe pour la période septembre 2007/ décembre 2007, soit le dernier trimestre de l’école zambienne. Mais voilà que pour une dizaine de bénéficiaires, une centaine de dossiers avaient été constitués et il était impossible aux employés du PC, craignant menaces et représailles, de décider des heureux élus. Ils ont donc été trop heureux de refiler le bébé ! C’était finalement une bonne entrée en matière car j’ai été d’emblée obligée à aller à la rencontre des gens, à les visiter dans leur cadre de vie, à entrer en contact avec différentes écoles.

 

En novembre un couple de Congolais qui travaillaient au centre est réinstallé aux Etats-Unis. Ils laissent deux postes vacants qui ont finalement été supprimés pour économiser deux salaires. Leurs fonctions sont redistribuées entre les différents membres de l’équipe. Je me vois confier l’attribution et le suivi des micro-crédits (comme pour les bourses scolaires, personne ne se battait pour le rôle du créancier impayé). Ce qui a nouveau m’a donné l’opportunité de découvrir de nombreux marchés car les projets tournaient autour du commerce (alimentation, couture, vêtements). Les rencontres régulières avec les emprunteurs même si elles étaient parfois tendues ont été autant d’occasion de tisser des liens avec les réfugiés.

 

En décembre 2007, les caisses du centre sont vides. On ne peut proposer aucune formation pratique. Mon coordinateur demande que je lance une formation de fabrication de confitures pour répondre au besoin de conservation des fruits. C’est la pleine saison des mangues, c’est l’occasion ! Oui, mais, je n’ai jamais fait de confiture et je ne suis pas familière de la mangue. La mission faisant des miracles me voilà pour 3 semaines prof de confiture et je distille mon savoir tout neuf (grâce à internet et mes essais à la maison) à une quarantaine d’étudiants. Ca marche bien. Je vais enseigner la cuisine d’abord par sessions de 2 à 3 semaines par trimestre puis pour un semestre entier (janvier-juin 2009). C’est encore une occasion de rencontrer différentes histoires difficiles. C’est aussi un lien avec la communauté zambienne avec laquelle je ne suis jusque là pas en contact puisque les programmes de crédits et de bourses scolaires sont réservés aux réfugiés. En revanche, l’intuition des fondateurs du centre était de permettre la rencontre des différentes communautés autour d’une activité pour faire tomber les préjugés. Ainsi Zambiens, Congolais, Rwandais, Burundais se côtoient régulièrement et de vraies amitiés naissent.

 

Ponctuellement, j’ai organisé des activités pour les enfants. Fêtes, Noël avec l’organisation d’un spectacle, catéchisme avec projet de peinture sur les mystères du rosaire. J’ai monté un groupe de réflexion sur les relations conjugales et familiales mais qui n’était pas suivi régulièrement car j’avais décidé de ne pas être trop scolaire et de ne pas délivrer de certificat à l’issue. Grave erreur, car l’enseignement perdait 99% de son intérêt. C’était ignorer leur besoin de justifier qu’ils avaient étudié. Oui vraiment, l’instruction est une richesse et il faut pouvoir la montrer.

 

  1. Aspect familial

 

Le cadre et le rythme de la vie sont totalement différents de ceux que nous connaissons en France. La Zambie est proche de l’Equateur, toute l’année le soleil se lève vers 5h et se couche vers 18h30. Quand il fait nuit, on ne sort plus. A l’heure où les Parisiens sortent des bureaux et envahissent les supermarchés, nous terminons de dîner. En revanche, alors que c’était le stress pour être à l’heure à la messe à St Martin, quand nous partions pour la messe de 9h, la maison était rangée et le repas de midi prêt !

 

Les enfants n’avaient classe que le matin. Nous n’avions ni télévision ni internet à la maison. Donc, peu de vie mondaine et de distraction, et du temps. Nous avons développé une vie de famille plus intime et amélioré notre communication surtout entre nous deux d’autant plus que nous travaillions ensemble.

 

Nous avons aussi appris à faire avec ce qu’on a. Nous l’avons expérimenté au PC où l’informatique posait problème, où internet était aléatoire, où le courant électrique allait et venait à sa guise. A la maison, l’équipement de cuisine était sommaire, on avait toujours une réserve d’eau… Nous avons pris conscience de tout ce qui est superflu chez nous (je ne veux pas parler de l’eau courante et de l’électricité !) et depuis notre retour, nous avons simplifié notre style de vie, notre façon de recevoir, développé le système D.

 

Nous avons quand même fait du tourisme pendant nos vacances d’autant plus que la Zambie est un beau pays (chutes Victoria, faune abondante dans les Parcs nationaux…). C’était pour nous l’occasion de trouver une autre réalité que celle de la capitale bruyante.  Nous avons profité de la présence d’autres volontaires Fidesco au Nord et au sud du pays pour découvrir la vie rurale tout en étant à l’aise car familiarisés. (ex de Constance jouant avec les petits voisins à Mpika).

 

Les enfants se sont vraiment ouverts grâce à l’Ecole Internationale (nombreuses nationalités, système anglo-saxon), à des venues au PC (Constance faisait partie du groupe de danse), des visites à des familles bénéficiaires, les jeux dehors avec les enfants du quartier (classe moyenne zambienne)… On ne peut  cependant pas mesurer ce qu’ils ont gagné en partant par rapport à ce qu’il aurait acquis en restant en France. L’action Carême cette année a bien fonctionné. Se priver, mettre la somme équivalente de côté et envoyer le total à Fidesco au profit du centre des enfants des rues de Kigali a été très concret pour eux et les a bien motiver. Car même s’ils ne connaissent pas le Rwanda ils ont vu des enfants dans la rue.

 

  1. Aspect spirituel

Ghislaine :

 

L’abandon dans la Providence !

Vous devez penser que tout était rose et merveilleux ! Le dépaysement est souvent synonyme de vacances ! Mais tout est tellement différent que c’est très fatigant !

1er exemple, ils sont tous noirs. Donc quoique vous fassiez, où que vous alliez, vous êtes la tâche blanche  repérable `a quelques centaines de mètres à la ronde.

Donc beaucoup d’énergie les premiers temps est mise en œuvre pour s’adapter. Et les choses ne vont pas à l’allure espérée. L’installation prend du temps, les habitudes au centre semblent inefficaces. On s’agite, on s’insurge, on brasse beaucoup d’air, on a l’impression de tout donner, on s’épuise et là on réalise qu’on ne va pas tenir deux ans à ce rythme. Toute une période d’ajustement suit. On retourne à la Source de notre envoi : Dieu. Que veut-Il nous dire à travers tout ce qui nous dérange ? Qu’attend-Il de nous ? Finalement, on s’apaise et on commence à travailler en vérité, on développe une plus grande délicatesse dans nos relations aux frères que nous sommes venus servir. On essaie de les rejoindre là où ils sont, là où ils ont besoin de nous et non là où on pense être notre place. Finalement grâce à la prière, on se laisse guider, le Seigneur dilate un peu notre cœur. On se rend compte qu’Il attend de nous non pas de lutter contre les éléments mais de donner notre meilleur et Lui fait le reste. Les réfugiés, populations traumatisées, meurtries nous ont beaucoup appris sur ce plan. Ce qui nous paraissait être du fatalisme nous enseigne souvent en réalité une grande confiance en Notre Père.

 

Gonzague :

 

- L’amour de l’Eglise catholique : l’église de Zambie est une jeune Eglise. Elle a fêté ses 100 ans quand nous y étions. De plus, la Zambie ayant été colonisée par les Anglais, la présence catholique s’équilibre avec d’autres sensibilités. Elle représente quand même 30 % de la population. Mais elle est dynamique, missionnaire, tout est religieux. Parler de Jésus, est normal, c’est même le contraire qui ne l’est pas. Qu’est-ce que c’est bon pour moi !!! Elle a des habitudes locales parfois surprenantes pour nous (place du prêtre, rapport au sexe, rapport à l’argent…), mais nous avons gagné là-bas un amour de l’Eglise qui est bien ancré maintenant. Par le service au pauvre, le sacrifice des missionnaires et religieux zambiens, l’église est une institution qui participe au développement, à la mise en valeur de l’homme, sans trahir les cultures locales car elle est constituée maintenant principalement de locaux.

 

- Importance des sacrements (eucharistie, réconciliation)- redécouverte du sacrement de l’Eucharistie et de la Réconciliation-Universalité de l’Eglise par les sacrements.

 

 « Si vous n’êtes pas nourri par les sacrements, vous allez vous essouffler » (Mère Thérésa)

 

 

 

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